Réhabilitons le Buddleia !

Le buddleia ou Arbre à papillons est-il invasif et dangereux pour les papillons?
On en parle depuis des années mais je me méfie de ce que l’on diffuse et partage sur le net sans aucune vérification préalable, bien souvent sans même citer ses sources…
Curieuse, j’ai cherché des publications un peu étayées à ce sujet et j’ai lu pas mal de trucs plus ou moins sérieux, des articles qui sont souvent de simples copié-collé d’autres publications, ou qui se contredisent parfois… Alors qu’en est-il? 

Est-ce une plante invasive?

Il est avéré que l’espèce type, le buddleia davidii, l’espèce « sauvage », est une plante invasive. Dans certaines régions, il colonise, par semis spontanés, des sites sauvages, les friches, les bords de cours d’eau, des carrières, des talus, des terrains vagues, les bords de chemins de fer, mais aussi des zones industrielles ou urbaines non entretenues, mettant à mal la faune et la flore locale (dans les zones largement colonisées par buddleia davidii, la concurrence serait préjudiciable aux plantes indigènes alentours qui seraient semble-t-il moins pollinisées car moins visitées par les papillons, mais à l’heure actuelle, ceci reste à démontrer par quelques études scientifiques toujours en cours).
Par conséquent, il est déconseillé d’en planter, semer, bouturer… (bien que dans les jardins, ce caractère invasif ne soit que rarement observé).

Il existe néanmoins aujourd’hui une large sélection d’hybrides stériles, qui ne présentent donc pas le problème des semis spontanés, et que l’on trouve facilement en jardinerie pour agrémenter nos jardins.

Buddleia, arbre à papillons, buddleia davidii Funcky Fuchsia

Est-ce qu’il fait mourir les papillons?

Il est clair que les fleurs de buddleia davidii sont très attirantes pour les papillons! Pour autant, les recherches indiquent que le nectar n’agit pas sur eux «comme une drogue»…
On sait aussi que leur nectar est assez pauvre en sucre comparé à d’autres fleurs, donc moins nourrissant, mais néanmoins tout à fait suffisant pour les papillons.

Butiner ces fleurs ne les épuise pas au point qu’ils en meurent de faim! Sinon, en toute logique, depuis des décennies, on trouverait des papillons morts au pied des arbustes!
L’information est donc facilement démentie par des années d’observations par des entomologistes et des jardiniers…

En toute objectivité, dans un jardin suffisamment riche en floraisons mellifères et nectarifères (et cultivé sans traitements cela va de soi), les papillons peuvent trouver d’autres sources de nourriture qui compensent… (moi c’est le chocolat qui m’attire irrésistiblement… mais je me nourris quand même d’autres choses! 😉)

Dans un jardin naturel et diversifié, les papillons trouvent d’autres sources de nourritures.
Dans un jardin naturel et diversifié, les papillons trouvent d’autres sources de nourritures.

Est-ce que le feuillage tue les chenilles?

Le feuillage étant toxique, la plupart des chenilles ne peuvent s’en nourrir …
Mais ce n’est pas un argument valable puisque les papillons ne pondent pas leurs œufs sur les buddleia! (Sauf 2 exceptions observées au Royaume-Uni, les chenilles du Sphinx tête de mort et de la Brèche, qui se seraient adaptées en substitution de leur plante-hôte habituelle).

Les papillons sont inféodés à une plante ou une famille de plantes. Les femelles pondent donc exclusivement sur leurs plantes hôtes!
Par exemple les orties (notamment pour le Paon du Jour, le Vulcain, le Robert-le-diable ou le papillon Petite Tortue), les rosacées (pour le Gazé ou le Flambé), les ombellifères (le Machaon pond ses œufs entre autre sur le fenouil, la carotte sauvage, le cerfeuil ou l’Angélique), la mauve ou les chardons (pour la Belle-dame), le sureau ou le nerprun (pour les Citrons), etc.

Préserver au jardin une zone « naturelle » est donc tout indiqué!

chenille orange et noire, la chenille du papillon Tyria jacobaea, encore appelé "Goutte de sang", ou "Carmin" ou écaille du seneçon, écaille jacobée.
chenille orange et noire, la chenille du papillon Tyria jacobaea, encore appelé « Goutte de sang », ou « Carmin » ou écaille du seneçon, écaille jacobée, car le sèneçon de Jacob est sa plante hôte (avec quelques autres Astéracées comme la pétasite).

Les buddleia rendent-ils les papillons stériles?

Je n’ai trouvé aucune source scientifique sérieuse (ni même une pas sérieuse en fait!) me permettant de confirmer cette hypothèse. J’ignore d’où cela sort!
Et l‘observation par des jardiniers et/ou entomologistes tente à démontrer qu’il n’y a pas de diminution des populations de papillons, ni en nombre, ni en espèces, dans un jardin naturel assez diversifié, et ce malgré la présence de buddleia davidii dans les parages.

Mais ça sort d’où ?

Il n’y a pas d’étude scientifique de départ. Ces fausses informations qui circulent n’ont qu’une seule source : un naturaliste amateur, qui depuis a reconnu avoir mal interprété une information à partir d’un ouvrage de vulgarisation, sans aucune vraie source scientifique.
Trop tard, le mal était fait, ce fake diffusé dans une interview télévisée, ne cesse plus d’être relayé via les réseaux sociaux et le bouche à oreille…
C’est pourquoi il est important de vérifier les sources des informations que l’on partage…

Les propos du naturaliste :

« Le buddleia attire les papillons mais ne les nourrit pas. Yves Desmons, du Cercle des naturalistes belges, explique à la RTBF que la plante est trompeuse : « Elle émet des odeurs très fortes qui sont attractives, et présente une couleur mauve qui attire beaucoup les papillons. Mais en fait, elle a un nectar pauvre en qualité, pauvre en sucre (autour des 30 % alors que d’autres plantes vont jusqu’à 70 %) ». Elle agit comme une drogue pour les papillons, qui vont pondre sur le buddleia au lieu de rechercher leur plante-hôte habituelle, seule capable de nourrir les chenilles. Cette anomalie diminue la population de pollinisateurs et entraîne une perte de biodiversité. »

Des propos qui, je le rappelle, n’ont aucune source sérieuse et fiable, et qui ont été démentis par l’auteur lui-même!

Buddleja, buddleia davidii, espèce invasive, Si vous avez dans votre jardin l’espèce type, taillez sévèrement avant la formation des graines

Toujours pas convaincus?

Si vous doutez, remplacez le buddleia par des plantes indigènes, des fleurs mellifères et nectarifères,  laissez des zones ensauvagées dans votre jardin, tolérez quelques orties dans un coin,…

Si vous avez dans votre jardin l’espèce type, taillez sévèrement avant la formation des graines, ou remplacez-le par un hybride stérile ou un buddleia alternifolia ou globosa…

Et pour vous faire votre propre opinion, observez, comparez, recensez les papillons de votre jardin sur plusieurs années…
Natagora organise chaque année en juillet, un grand recensement des papillons du jardin.

Papillon: l’Aurore, Anthocharis cardamines♂, sur lychnis flos-cuculi
Buddleia d’avidités butiné par un papillon Moro-sphinx

 

Quelques sources parmi tant d’autres…

Natagora
Chenilles.net
Jardinsdefrance.org
Oiseaupapillonjardin.fr
Promesses de Fleurs

Les informations sur la rétractation du naturaliste amateur sont consultables sur ce site:

30 commentaires sur “Réhabilitons le Buddleia !

  1. Bonsoir, en visite dans les Hauts-de-France avec le Cercle Royal Horticole de la Hulpe, j’ai eu l’occasion de voir, de superbes buddleias alterniflora tellement élégants surpassant les autres plantations…j’en ai donc ramené un qui deviendra la vedette ! aucune comparaison avec le plus connu chez nous, le davidii…Souvent plantés en solitaire, d’une teinte lilas, un réel « eye catcher », a été une véritable découverte pour nous toutes !!!

    1. Le buddleias quelque soit la variété, et comme des centaines de milliers de personnes, nous nous sommes faits avoir, est très invasif, et je parle d’expérience, donc, si j’en vois un, je le détruit d’office. Il y a d’autres plantes bien plus belles et moins dangereuses pour les insectes, à installer dans son jardin.

      1. Effectivement, l’espèce type est invasive et vous faites bien de l’éliminer…
        En revanche, comme je l’explique dans l’article que vous avez peut-être pris la peine de lire, les hybrides stériles commercialisés aujourd’hui ne sont forcément pas invasifs et aucun buddleia n’est dangereux pour les papillons.
        Mais on est bien d’accord sur le fait qu’il y a quantité de plantes indigènes particulièrement intéressantes pour les papillons et les insectes!

      2. L’humain est l’espèce à la fois la plus invasive et la plus envahissante (les deux sont très différents), et nous en faisons partie ! Vous trouvez normal que l’humain, qui n’est qu’une espèce du règne animal, se donne le droit de déterminer quelles sont les espèces invasives ou non.
        J’ai des Buddleia et croyez-moi, la population des papillons dans mon jardin augmente tous les ans. Machaon, Flambé, Aurore, Gazé, Demi-deuil, et pour les espèces listées par l’UICN, Ecaille chinée, Damier de la Succise, et j’en passe…

        1. D’accord avec vous pour les humains , mais je trouve qu’il est quand même possible d’observer un milieu / système naturel et de se rendre compte que tel ou tel élément envahit le système et « prend toute la place » sans laisser d’espace ou de ressources aux autres éléments de ce système. C’est à ce moment que l’on peut dire qu’un élément est envahissant, et ce sans jugement moral ou éthique. Bàv

          1. Je ne pense pas qu’on en soit à ce point là avec le Buddleia.
            On en voit principalement sur des sites désertés de l’activité humaine(anciennes voies ferrées, anciennes carrières et sites inactifs).
            Maintenant, dans un jardin il convient de contrôler la croissance et il existe des tutos pour les retailler comme il faut. Je pense sincèrement qu’il y a beaucoup d’autres espèces indigènes, donc « envahissantes » comme l’ortie et la Ronce, pour ne citer que ces deux là, et pour lesquelles on fait pas de vagues.
            Amicalement.

    1. Merci malo pour ce billet très instructif. J’ai une bouture nouvellement planté mais ce n’est pas l’espèce type et de toute façon je n’ai pas que ce bel arbuste pour mes papillons. Ils ont le choix. Je note à laisser tranquille mon pied d’orties et d’ombeliferes mais sous surveillance quand même. Bisous

  2. Mon jardin compte deux buddleïa « stériles » plantés il y a une dizaine d’années,beaucoup de lavandes et autres plantes mellifères et nectarifères
    Je participe à l’opération papillons du MNH de Paris et les recense donc régulièrement depuis plusieurs années :
    aucun déclin constaté chez moi ! Par contre je n’utilise aucun insecticide et ai la chance d’avoir deux assez grands espaces en friche (orties et autres à gogo !) Les papillons sont assez sélectifs : certains ne vont que sur telle plante ,les buddleïa n’en attirent que quelques uns …
    Les plantes -hôtes des chenilles ne sont pas les plantes nourricières des papillons ( à part peut-être le chèvrefeuille )
    Les modo-sphinx sont assez nombreux dans ma région et je n’en ai jamais trouvé un seul «  coincé » dans un gaura , fait très relayé il y a quelque temps !
    Méfions-nous des fake – news !!

  3. J’ai 2 buddleia stériles au jardin. Un mauve de 2 m et un nain, rose clair. Je ne remarque pas plus de papillons et autres butineurs que sur d’autres plantes du jardin, choisies aussi pour la biodiversité.

  4. Merci Malorie d’avoir pris le temps de réhabiliter le buddleia.
    On le voit en nombre ici dans les friches, sur les bords de voies ferrées… où rien ne poussait avant hormis les bouleaux. Il serait intéressant de voir dans quelques années comment cette flore qui recolonise ces friches évolue : est-elle toujours présente, a-t-elle préparé le terrain pour d’autres espèces ?

    En tout cas, au jardin, je ne pourrais m’en passer. J’adore leur parfum, leur facilité de développement, j’aime m’exercer sur eux à la taille en transparence…d’autant que le jardin présente largement de quoi satisfaire les butineurs en terme de diversité !

    1. En effet il s’agit d’une espèce pionnière qui, en théorie, prépare le terrain pour d’autres plantes, malheureusement au détriment de notre flore indigène… Tu as raison, il serait intéressant d’observer ces zones dans plusieurs années pour voir si d’autres plantes en ont prit possession, ombrageant la place et faisant ainsi disparaître les buddleia qui aiment le soleil…

    2. Le Buddleia ne « recolonise » pas ces milieux, il les colonise, l’espèce est exogène et ne devrait pas se trouver en milieu naturel en France, même anthropisé. Son arrachage demande des moyens humains et financiers qui pourraient être utilisés pour autre chose.
      Les bouleaux, même si pour vous ce ne sont ‘ »que » des bouleaux, sont plus utiles à la biodiversité locale qu’une plante invasive. J’avoue avoir du mal à comprendre qu’on continue d’acheter des plantes invasives par esthétisme, quand on connait la fragilité et le déclin ultra rapide de la biodiversité.
      Les Buddleias ne posent pas juste problème sur les friches et bords de voies ferrées, on les retrouve aussi en milieux patrimoniaux comme sur certaines pelouses sèches déjà fortement menacées.
      Dans ma région, il est classé comme PEE à impact majeur.

  5. J’en ai un en pot, il ne s’est jamais ressemé. D’autre part, les papillons ne semblent pas particulièrement attiré par lui, ils préfèrent d’autres fleurs. J’ai beaucoup aimé ta comparaison avec le chocolat .

  6. Bravo pour ces articles extrêmement fouillés…j’en ai un ici qui ne s’est jamais ressemé.
    C’est comme le chat qui détruit la biodiversité, une étude mal comprise et trop relayée.

  7. J’ai pu constater le caractère invasif de l’espèce incriminée dans plein d’endroits, en bord de cours d’eau mais pas que… c’est vrai qu’un écosystèmes bien biodivers et résilient résiste, mais pas les milieux aux sols fréquemment rajeunis (alluvions)… ce buddleia est colonisateur et exclusif ensuite. L’article ne mentionne pas clairement les espèces ou obtentions stériles… ou alors il faut aller pêcher dans les commentaires… quand à l’effet sur les populations de lépidoptères l’article me semble un peu plus consistant..

    1. L’article ne se veut pas un catalogue des espèces stériles disponibles à la vente, qui sont nombreuses, bien que je cite comme exemple le buddleia alternifolia et globosa. Un bon pépiniériste consciencieux pourra vous renseigner…
      Ma publication vise surtout à démonter des fake News qui ont hélas la dent dure, avec des explications claires et concises, accessibles à tous…

      1. Oui il me semble à la lecture que le Fake porte plus sur l’impact sur des populations d’insecte …alors que par ailleurs les dégâts dus aux produits de traitement de l’agriculture sont bien réels … avec des conséquences sur l’avifaune…

        1. Oui en effet. Mais quand on lit des témoignages de jardiniers qui se font insulter par des naturalistes amateurs sous prétexte qu’ils ont des buddleia dans leur jardin, sans vouloir entendre que ceux-ci sont stériles, il s’agit bien d’insister aussi sur cette information dès le départ…
          Le témoignage de cette dame qui retrouve les branches de son buddleia cassées par les visiteurs, avant même sa floraison, est encore un exemple de la méconnaissance du sujet dans sa globalité…

        2. Mon voisin en possède dans son jardin, pour le moment il est en pot, sera t-il un jour en pleine terre ? Pour autant je ne vois pas une invasion de papillons.

  8. Merci pour cette mise au point. J’ai un magnifique buddleia ‘Dartmoor’ que je retrouve régulièrement cassé par des visiteurs qui s’en prennent à ses panicules avant même qu’il ne fleurissent ! Certains visiteurs « naturalistes » font la police pour une prétendue bonne cause en se croyant tout permis… pénible !

  9. Merci beaucoup pour cet article très intéressant…..
    J’ai eu un Buddleia, devenu trop imposant, nous avons du le couper (j’avais reçu une petite branche semé par le vent).
    Comme je n’aime pas tailler …. mon Buddleia était devenu énorme (un tronc multiple avait plus de 20cm de diamètre !)
    J’aimerais en replanter un …. et ce sera un stérile (grâce à toi)

  10. Bonjour Malo,
    Je rapporte ma petite expérience : 16 espèces de papillons dénombrées sur mon buddleia au cours de l’été 2022, je trouve que c’est pas mal ! Et aucune chenille hélas ! Car j’aurais bien aimé qu’ils se multiplient dans mon jardin. Cette année ils sont moins nombreux, il a fait plus froid assez tard au printemps, ceci peut expliquer cela… Donc pour mon buddleia, il reste là où il est !

  11. Pourquoi vouloir réhabiliter une plante dont on sait qu’elle est invasive, connaissant l’état catastrophique de la biodiversité en France?
    Certes, les papillons ne vont pas tomber comme des mouches parce qu’ils l’auront butiné, et ça c’est bien de le rappeler. Mais ça reste une plante sans intérêt particulier pour l’entomofaune (odeur attractive des inflorescences, mais très très peu de nectar par fleur selon une étude https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0367253014000139), qui est très invasive et est trouvée dans certains milieux patrimoniaux déjà très menacés.
    Si des hybrides stériles existent, beaucoup de pépinières continuent de vendre aussi certaines variétés non stériles. Je suis prêt à parier que beaucoup de gens qui lisent votre article vont en fait n’en retenir que le titre, et se dire que boarf, c’est bon en fait, c’est trop bien un Buddleia, pourquoi se prendre la tête à chercher une alternative autochtone!
    Et c’est sans compter tous les Buddleias vendus avant l’apparition des hybrides stériles, qui continuent de se reproduire un peu partout dans les jardins, que les gens s’échangent…
    Qu’on torde le cou aux rumeurs sur la plante oui, mais se chercher des excuses pour continuer à valoriser une plante invasive sans grand intérêt pour les pollinisateurs, non.

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